Un nouveau délit créé avec la loi sur la fin de vie choque même au sein du gouvernement
L'Assemblée nationale a adopté les deux propositions de loi sur la fin de vie, y compris celle prévoyant la création d'une aide à mourir, le mardi 27 mai. Une décision saluée par la ministre de la Santé Catherine Vautrin qui a défendu le texte, mais qui a suscité moins d'enthousiasme chez d'autres membres du gouvernement. Quelques heures avant le vote, Le Premier ministre déclarait sur BFMTV et RMC qu'à la place des députés, il "s'abstiendrait" de voter la proposition de loi sur laquelle il a encore des "interrogations".
Parmi les points de blocage, le Premier ministre citait l'ajout d'un délit d'entrave à l'aide à mourir dans le texte. Une disposition "ambiguë" selon le chef du gouvernement : "Ce n'est pas une entrave que d'essayer de persuader quelqu'un de vivre". François Bayou attendait de l'Assemblée qu'elle lève toutes les interrogations lors des débats et du vote de la proposition de loi sur l'aide à mourir. Chose faite puisque l'article 17 du texte adoptée par l'hémicycle, qui prévoit le délit d'entrave à l'aide à mourir, en précise les contours dans un article devant s'ajouter au Code de la santé publique. Le délit consiste donc à "empêcher ou à tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur l'aide à mourir par tout moyen [...] notamment par la diffusion ou la transmission [d'informations] de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur [...] l'aide à mourir".
Concrètement, il prévoit de punir de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende les personnes qui perturberaient l'accès aux établissements où est pratiquée l'aide à mourir ou les conditions de travail et l'accès aux soins dans ces lieux, et celles qui exerceraient des pressions morales ou psychologiques sur les personnes se renseignant sur l'aide à mourir et celles prenant part au dispositif. Le délit d'entrave a été pensé sur le modèle du délit qui existe déjà pour punir les tentatives d'empêchement d'accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).
"On ne peut pas être coupable de compassion !"
Le Premier ministre n'est pas le seul à avoir émis des réserves sur ce délit d'entrave. Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, s'est offusqué de l'inscription de ce délit dans le texte de loi qui revient, selon lui, à "franchir une nouvelle limite qui n'est pas supportable". "Tendre la main à celui qui souffre est le propre de l'humanité. Est-ce que nous voulons vraiment d'une société qui condamne celui qui tente de redonner des raisons de vivre à celui qui n'en a plus ? Tout cela va beaucoup trop loin", a-t-il réagi dans un message posté sur X, le 24 mai.
Instaurer un délit d'entrave à l'aide à mourir avec une peine de deux ans de prison, c'est franchir une nouvelle limite qui n'est pas supportable.
— Bruno Retailleau (@BrunoRetailleau) May 24, 2025
Tendre la main à celui qui souffre est le propre de l'humanité. Est-ce que nous voulons vraiment d'une société qui condamne celui
Après la vive réaction du ministre de l'Intérieur, dont l'opposition à la loi sur l'aide à mourir est connue, Catherine Vautrin a reprécisé les contours du délit d'entrave qui ne vise pas à sanctionner des actes de compassion envers les personnes malades. "Ce que l'on est conduit à dire dans un cercle amical, familial, est évidemment une approche personnelle qui n'est pas constitutive d'un délit d'entrave", a-t-elle d'abord rappelé devant l'Assemblée nationale. Les discussions familiales sur l'aide à mourir ne seront pas être comprises comme des entraves tant qu'elles n'empêchent pas et n'obscurcissent pas le choix du malade. Même chose pour les propositions d'alternatives qui pourraient être faites aux personnes malades : "Le fait de proposer des soins palliatifs, des alternatives ou d'autres perspectives, de faire part d'un doute, d'ouvrir un dialogue ou même de retarder une décision jugée prématurée ne peut pas être regardé comme une pression", a assuré la ministre de la Santé.